Un costume riche toute fin XIe siècle

Le but était de me constituer une tenue riche de la fin du XIe siècle. Cet article en présente les premiers éléments : chemise, robe et coiffe.

Mes recherches iconographiques m'ont amenées à me pencher plus particulièrement sur les sources Aquitaine de la période. En effet, les vestiges fin XIe et début XIIe y sont nombreux et par là, je m'éloignais un peu du cliché associant systématiquement le XIe siècle à la Normandie.

Le costume, bien que décoré ne prétend pas représenter ce que la noblesse a pu avoir de plus riche à cette époque.

Conception générale du costume

Robe XIe

La reconstitution que je propose est composée essentiellement de trois éléments de costumes : la chemise, la coiffe.

Ce qui caractérise, à mon sens, le costume de cette période, est qu'il présente les prémices des fastueux costumes du XIIe siècle roman, dont on peut voir l'apogée dans la statuaire de l'époque (Chartres, pour ne citer que l'exemple le plus connu). Les manches s'évasent, les robes présentent une ampleur grandissante et les galons se multiplies et s'élargissent.

Cependant, la silhouette n'est pas encore moulée dans des corsages lacés et l'ampleur des éléments semble encore raisonnables.

La difficulté de l'analyse de l'iconographie de l'époque, est d'écarter tout ce qui peut s'apparenter à l'art antique et à la renaissance Carolingienne dont le style imprègne encore les sources à la période qui nous occupe.

La chemise

La chemise, en lin blanc, ne présente aucune décoration particulière si ce n'est le plissage des manches. On observe déjà ce genre de manche (très courantes au XIIe siècle) à cette période comme sur le personnage du milieu de la scène du bas du manuscrit suivant.

Manuscrit de Cambrais du XIe siècle

Pour réaliser ce plissage, j'ai choisi volontairement une méthode simple mais dont le résultat me satisfait pleinement : la manche est simplement rallongée et très ajustée au poignet. En la portant, les plis se forment naturellement présentant les même irrégularités que sur certaines sculptures.

Manches plissées

En outre, sur certaines statuaires romanes, on peut observer des manches longues ajustées portées dépassant du poignet à la manière que j'ai proposé.

La robe

La robe est taillées dans un drap de laine pourpre, bien que riche par sa couleur et ses décorations, est de conception simple.

Robe XIe

Le Patron

Pour le patron, je me suis contentée d'un traditionnel patron en T évasé dès le dessous des aisselle, ceci afin de donner à la robe une ampleur très importante dès la taille pour faire blouser le vêtement ainsi qu'on peut observer sur différentes iconographies. Un godet supplémentaire a été rajouté dans le dos, partant de la taille pour ajouter encore un peu d'ampleur dans le bas. Les manches sont régulièrement évasées depuis l'emmanchure.

J'ai placé des galons brodés sur le bas des manches mais aussi sur le tour de l'encolure (ce qui ne se voit pas compte tenu de la coiffe et qui n'est pas non plus visible sur les sources ...[1] les textes de l'époque font néanmoins mentions de broderies au col.)

Les sources qui m'ont servis pour la forme générale et la décoration sont tirée d'un manuscrit de Touraine daté de 1100[2], dont voici les quelques exemples que j'ai retenus :

Manuscrit tourangeau de la fin du XIe siècle Source d'inspiration du costume : manuscrit tourangeau de la fin du XIe siècle

Les galons brodés

Motif de broderie

Les galons, sont réalisés sur de la toile de lin jaune pâle et brodés en fil de laine épais au point fendu. J'ai choisi du fil de laine car c'est une excellente matière à broder qui soit à la fois accessible (en terme de coût mais aussi de disponibilité : la laine est un produit courant au moyen-âge) et qui permette un nuancier varié et chatoyant [3]

Les fils sont teintés naturellement selon des procédés se rapprochant de ceux de l'époque :

  • à la garance pour le rouge,
  • à la gaude pour le jaune (de même que pour le lin utilisé comme bande de galon),
  • au pastel pour le bleu
  • dans un bain successif de gaude et de pastel pour les fils verts[4]

Pour le modèle, je me suis inspirée des frises d'un panneau de lin brodé de soie, XIe siècle - début XIIe exposé au Musée de Cluny. Le détail du motif est assez difficile à distinguer, j'ai alors opté pour quelque chose de simple qui s'en inspire : une croix en réserve dans des médaillons en forme d'amande.

Toile brodée de la fin du XIe siècle

La coiffe

La coiffe que je porte est un voile coupé dans de la laine jaune moutarde, teint à l'oignon. On observe en effet sur certaines enluminures des coiffes colorées. La laine pouvant être très légère permet d'obtenir des voiles colorés légers, isolants et très agréables à porter.

La coiffe

La forme du voile est un simple rectangle que je drape sur la tête en plaçant le bord du tissus au niveau de ma joue, puis en faisant le tour de la tête, passant d'abord par le haut et une fois revenu du premier côté, je fixe le voile sur lui même avec une épingle. Une ou deux épingles supplémentaires peuvent aider à arranger les plis sur le dessus du crâne.

Il existe cependant de nombreuses autres façons de draper ce genre de coiffe.

Accessoires

Le costume est complété par des chausses à pieds, traditionnelles qui montent aux genoux, des chaussures cousues retournées (celle des photos sont de conceptions plus tardives), une aumônière brodée qui a déjà fait l'objet d'un article. Quant à la ceinture, celle présentée est en cuir par défaut, n'ayant pas de source précise pour cette période.

Perspectives et améliorations possibles

Pour proposer cette reconstitution, j'ai essayé de me baser sur des connaissances variées, techniques de l'époque, iconographie ... Le résultat final est globalement satisfaisant d'un point de vue visuel.

Cependant, si pour certains aspects j'ai pu me montrer assez précise (motifs, matières et techniques de broderie, par exemple) certains éléments sont encore très approximatifs. Ainsi le patron de la robe est d'une conception simpliste qui tente de reproduire une silhouette générale observée sur les enluminures et est sûrement perfectible.

Ensuite, la composition du vêtement en elle-même mériterait d'être complétée : nous avons vu le cas de la ceinture, mais le sujet de la coiffe pourrait être complété. Enfin, un manteau pourrait finir l'ensemble de ce vêtement.

Notes

[1] ou :comment se rajouter des heures de travail pour un résultat invisible et incertain.

[2] Je ne lancerai pas le débat pour savoir si l'an 1100 appartient encore théoriquement au XIe siècle.

[3] oui, chatoyant, rien que ça !

[4] bien que cette dernière méthode soit discutée d'un point de vue historique, notamment par M. Pastoureau dans sont ouvrage Jésus chez le teinturier.

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