Un costume de femme de la noblesse vers 1260

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Voici une proposition de reconstitution d'un costume d'une femme de la noblesse du 3ème quart du XIIIe siècle. Il est fortement influencé par la mode germanique.

Sa spécificité est de proposer une robe riche, décorée, conforme à la mode de l'époque tout en conservant une certaine bienséance. En effet, dès que l'on s'attaque au costume de la noblesse, la symbolique et la signification du vêtement gagne encore en importance : on est défini par le costume.

Les détails, tels que les différentes habits qui composent cette robe, ainsi que la coupe des vêtements, les matériaux qui les composent, les décorations, les accessoires, tout doit être pensé en fonction de ce que l'on souhaite montrer de sa personne et de son rang.

N'hésitez pas à vous reporter à mon précédent article pour plus de détails sur la mode féminine au XIIIe siècle.

Le costume est composé :

  • d'une chemise en lin fin et blanc
  • d'une cotte en soie, largement plissée et brodée aux poignets
  • d'un surcot de fin sergé de laine
  • d'un manteau de laine, garni de fourrure au col
  • d'une coiffe : une résille en soie et un touret
  • d'une ceinture portée sur la cotte
  • d'une aumônière brodée
  • de deux fermaux : l'un en argent fermant l'amigaut de la cotte, le second, émaillé porté sur le surcot pour maintenir le manteau
  • chausses et chaussures

Vêtements

Cotte

P1050733.jpg La cotte en soie verte à chevron.

Tissu

Le tissu utilisé pour cette cotte est un sergé à chevrons de soie verte. Les tissages de soies en chevrons à cette époque sont appelé drap d'arrest et semblent être utilisés dans la confection de qualité.

Coupe

Gerburg.jpg Gerburg de Naumbourg, Cathédrale de Naumbourg, Allemagne, 1250 -1260.

La coupe est simple. L'ampleur est obtenue, comme pour la cotte de Ste Claire et la tunique de Ste Elisabeth, par l'ajout de godets latéraux.

Cependant, comme on peut le remarquer sur ces statues, le godet situé sous les aisselles est largement plissé, sur les trois exemples, les plis sont très réguliers et ordonnés.

mi12568b05a.jpg Cathédrale de Magdebourg, Allemagne, Portail du Paradis, Vierge Sage, mi-13e siècle.

Sur la proposition de reconstitution de robe noble présentée ici, j'ai donc réalisé une série de plis canons qui assurent un plissé ordonné à ce godet. En fait, plus que les pans de devant et derrière, c'est lui qui assure l'essentiel de l'ampleur de la robe. En effet, si l'on observe certaines statues de cette période, les plis partant de sous les bras et se prolongeant vers l'avant trahissent une tension résultant de pans de devant de moyenne ampleur et de godet latéraux compensant.

noble-XIII-04.jpg Pendant qu'elle enfile son manteau, on peut voir l'ouverture, proche des emmanchures du surcot, ainsi que les plis formés sous les bras pour insérer un godet d'une grande ampleur.

Broderies

Les poignets de la cotte présentent des bandes brodées.

Ces bandes de décoration s'intègrent dans ce projet car elles permettent de souligner les mains.

Sur certaines enluminures, on peut observer des bandes décorées, dorées aux poignets uniquement :

blanche-de-castille.jpg Blanche de Castile et le roi Louis IX ; Bible moralisée, Paris 1230 ; Pierpont Morgan Library ; MS M.240 (fol. 8).

m729.001v.jpg Bernard V de Montreuil, Yolande de Soissons et leurs enfants ; Psautier Livre d'heures de Yolande de Soissons ; Amiens 1280 ; Pierpont Morgan Library ; MS 729 (fol. I v).

Les bandes sont en taffetas de soie, les broderies, sont réalisées au fil de soie brodé au point fendu et ornées de quelques perles de culture.

Le motif floral s'inspire du motif figuré sur ce gisant :

mi02149d02a.jpg Statue d'Henry II de Luxembourg, 1260, Abbaye de Maria Laach, Allemagne.

Si, sur cette statue de la Cathédrale de Naumburg, il semble qu'une bande décorée soit représentée sur l'encolure, j'ai, dans le cadre de ce projet, choisi de ne pas en ajouter au col. En effet, pour ne pas surcharger l'ensemble, le col est simplement agrémenté d'un fermail en argent.

bamberg_1.jpg Ute de Naumburg, Cathédrale de Naumbourg, Allemagne, 1250-1260.

noble-XIII-05.jpg Alors qu'elle désigne son cou, les broderies font ressortir la main? Le surcot, lui est orné d'un fermail émaillé.

Surcot

Un surcot en laine rouge vif est porté par dessus la cotte. Il est réalisé en sergé de laine à motifs losanges.

noble-XIII-08.jpg Réajuster ses fourrures est l'occasion de montrer l'ensemble der la silhouette et la coupe du surcot.

L'emmanchure du surcot est peu ample. Ce type de surcot aux ouvertures des bras serrées sont les plus fréquents à cette période. Sur un dessin de Villard de Honnercourt, on peut observer un surcot ouvert jusqu'à la taille. Il faut cependant noter que le pan de devant est encore très large et bien qu'ouvert assez bas, ce surcot est encore très loin des formes à fenêtres d'enfer.

Pour assurer une grande ampleur au sol, des godets latéraux ont été ajoutés, mais aussi des godets centraux partant de la taille. Des ouvertures sont ménagées sur l'avant du surcot dans une couture afin d'accéder facilement à l'aumônière portée sur la cotte. Ces fentes peuvent également être situées sur le pan de devant[1].

Coiffe

noble-XIII-03.jpg La coiffe composée d'une résille et d'un touret laisse largement entrevoir la chevelure. Cependant, on peut insister sur celle-ci lorsque l'on se recoiffe.

Le touret porté est réalisé en lin blanc. Il s'agit d'un modèle bas et fortement plissé, plus caractéristique des tourets de la seconde moitié du XIIIe siècle.

Résille à cheveux en filet de soie agrémenté de grenats, réalisé par Perline.

Manteau

Et ces comtesses en samiz et en draz d'or emperials em pur lor biax cors sanz mantiaus

Et ces comtesses habillées de samit et de brocart impérial sans manteau pour cacher la beauté de leur corps !
Le romande la rose ou de guillaume de Dole, Jean Renart, vers 200-202.

Le costume n'est complet que lorsque le manteau est porté. Lors de fêtes, lorsque pour danser, les femmes ôtaient leur manteaux, certains moralistes y voyaient un signe d'invitation à la fornication.[2]

noble-XIII-07.jpg Pour une promenade dans la plus pure bienséance, le port du manteau est indispensable. On peut néanmoins maintenant un pan remonté d'une main de sorte à dévoiler la silhouette.

Le manteau est coupé en forme de trapèze auquel s'ajoute plusieurs pièces triangulaires pour lui donner de l'ampleur, sans être excessive, sa longueur, lorsqu'il est porté lâche aux épaules, laisse une légère traine se former.

Il est réalisé dans un sergé de laine rouge et doublé d'une fine laine blanche en armure toile. La doublure de laine (par rapport au lin), permet d'éviter d'accumuler trop d'humidité par la doublure. De même sur un sol mouillé, étant donné que ce manteau traine par terre, la laine ne se gorgera pas d'eau, contrairement au lin.

Un col de fourrure est rapporté sur l'envers. Si ce type de col rapporté semble fréquent sur les sources germaniques, on en trouve également sur certaines sources françaises :

d27d01.jpg Carnets de Villard de Honnecourt ; BNF ; Département des manuscrits, Français 19093, fol 27.

stjean3-joigny.jpg Tombeau d'Aélis de Bourgogne, Église Saint-Jean de Joigny, 1260.

Le cordon qui maintient le manteau en place est en soie tressée. Il peut être retenu au moyen de la main, mais un fermail émaillé est utilisé afin de le maintenir en place.

Accessoires

Fermaux

Plutôt que des broderies à l'encolure, un fermail en argent vient clore l'amigaut et sert de décoration pour mettre en valeur le cou.

Un second fermail, émaillé, peut être porté sur le surcot afin d'aider à maintenir le cordon du manteau.

Aumônière

Une aumônière richement décorée d'or et de perles est accrochée à la ceinture sur la cotte.

aumioniere.jpg

Notes

[1] Les vêtements des fouilles Herjolfsnes présentent ces fentes pratiquées soit dans une couture, soit au milieu d'un pan.

[2] C. Casagrande, S. Vecchio ; Histoire des péchés capitaux au Moyen-âge ; Aubier ; 2003.

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